Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

jeudi 23 avril 2009

Un salaud, Salieri ?


Antonio Salieri (1750-1825) fut l'un des plus importants compositeurs et chef d'orchestre de son époque.
Le portrait qu'en fait Milos Forman dans son film (prodigieux) Amadeus reste du domaine de la fiction issue vraisemblablement de la vision déjà romanesque qu'en avait Pouchkine dans sa nouvelle "Mozart et Salieri", vision à l'origine de la rumeur selon laquelle Wolfgang aurait été empoisonné par son concurrent.
Les défenseurs du maestro italien, peu écoutés en leur temps car il fallait que la légende se répande, ont fait valoir que malgré une jalousie "humaine" éprouvée à l'égard du génial Mozart, Salieri n'aura de cesse, après la mort de celui-ci, de faire connaitre au monde l'oeuvre du salzbourgeois auquel il aura rendu quelques services quand le jeune musicien, que l'on dépeint comme dispendieux et un tantinet allumé, avait les plus grandes difficultés à assurer son minimum vital.
Ainsi, il est admis que Salieri "rétrocéda" à Mozart les commandes de deux opéras, "La clémence de Titus" et "Cosi fan tutte".
De nos jours, historiens et musicologues ont fini par faire le tri de toutes les informations disponibles au fil des recherches ; il s'avère que Salieri, compositeur largement sous-estimé car écrasé par le génie de son rival, fut un musicien de grand talent qui fut le professeur, excusez du peu, de Beethoven et de Schubert ; du vivant de Mozart, il fut l'un des rares musiciens en activité à reconnaitre le génie de ce dernier, aux côtés de Joseph Haydn.
Enfin, il fut le seul à assister aux obsèques de Mozart en la cathédrale St Etienne de Vienne, alors que Constance, l'épouse de "Wolfie", elle, n'y assista pas, malade, contrairement à ce que l'on voit dans "Amadeus".

Le film nous montre un Mozart acharné à finir son "Requiem" avant d'expirer.
Historiquement, c'est vérifié et recoupé, il n'en est rien, car c'est l'écriture de "La flûte enchantée" qui requit toutes les forces d'un Mozart épuisé et malade.
En fait, il laissa toutes instructions pour que l'on termine sa messe des morts.
En revanche, l'histoire du "mystérieux messager" qui inquiéta terriblement Mozart tout en lui laissant espèrer une rentrée d'argent bien utile, est exacte : on sait maintenant que le Requiem fut commandé de cette façon particulière par un aristocrate désireux de se faire mousser en prétendant l'avoir lui même composé pour son épouse !
Ce qui est tout aussi romanesque, mais moins efficace, que l'interprétation qu'en donne le beau film de Forman dont le mérite essentiel est d'avoir fait découvrir l'oeuvre du génie à une jeunesse dont la musique dite classique n'est pas la tasse de thé.

Aujourd'hui, on recommence à jouer les oeuvres de Salieri un peu partout dans le monde et à les enregistrer (la "diva" Cecilia Bartoli lui a consacré un album).
Et l'on s'aperçoit que ce n'est pas la "soupe" que certaines bonnes âmes croyaient avoir entendue en d'autres temps.

Aucun commentaire: