Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

mercredi 31 août 2011

Canal Plus pour penser moins

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Ça va paraître étrange à certains, voire incongru, mais je m'intéresse de près à la politique de ce pays où j'habite.
Je les entends me rétorquer que la politique ne résout jamais rien, que "tous pareils", tout ça, en vieux propos rebattus qui font le miel d'une droite "nationale" qui veut apparaître comme un vivier de personnalités "nouvelles", mais dont on sait bien, si l'on n'a des excréments plein les yeux, que, quand elle administre, elle mène directement à la faillite tant elle abrite de politicards revanchards à la petite semaine, incompétents, représentants d'une politique de bistrot propre à faire passer David Douillet pour un grand philosophe.
Je m'intéresse donc à la politique, ayant l'intime conviction qu'elle peut être noble, visionnaire, qu'elle peut infléchir l'ordre des choses, faire évoluer la société, les mentalités, qu'elle peut être moteur de progrès.
On se gaussera sans doute de mes "illusions", puisque je ne les ai toujours pas perdues avec l'âge.
Ainsi donc, contre vents et marées, depuis que je suis en âge de voter (l'an dernier, quoi !), je suis de gauche.
On ne s'étonnera donc pas que cette histoire de "primaires" du PS m'intéresse, et que j'espère qu'elle me passionne, puisque j'adore occuper mon cerveau à autre chose qu'une vision passive du monde qui m'entoure, dont je suis, à ma petite mesure, un "acteur", comme vous, oui, vous !
Sans aller toutefois à La Rochelle, ville de France que j'affectionne pourtant, j'ai suivi par journaux télévisés interposés, ces journées où, malgré les journalistes aux aguets en quête du moindre écart, les socialistes eurent un comportement digne, laissant des raisons d'espérer qu'en 2012 ils seront unis derrière leur candidat(e) quel qu'il soit.
Comme je m'intéresse, donc, j'ai décidé lundi dernier, de regarder le "Grand journal" de Canal+, autrefois chaîne innovante, impertinente, où De Caunes (Antoine), Les Nuls et un certain Coluche surent inventer une nouvelle forme de télévision.
On recevait ce soir-là François Hollande.
L'homme est paraît-il devenu populaire et distancerait nettement ses rivales et rivaux dans ces fameux sondages dont on nous abreuve à longueur de papier imprimé et de grand-messes télévisées quotidiennes.
En citoyen impliqué, je voulais comprendre pourquoi l'ancien Premier Secrétaire connaissait cette popularité, lui qu'on croyait disparu dans les oubliettes de son parti il y a encore quelques mois, savoir quel était son "message", ses idées pour l'avenir proche...
Or j'assistai à une vaste mascarade, à une émission de "divertissement" où le pauvre invité ne put à aucun moment s'exprimer, coupé qu'il fut, à tout moment, par des écrans publicitaires (le premier à quelques secondes du début !), par des intervenants pêchés on ne sait où posant des questions d'une inanité crasse, ce pauvre Apathie n'ayant pas une seconde pour intervenir, que l'on vit faire un geste de dépit à l'adresse du meneur de jeu Denisot.
Au moment où Hollande commençait à tenir des propos pouvant justifier sa présence sur ce plateau intervinrent des champions de judo en cheveux sur la soupe : "hou la la, faut pas que ça zappe, hein, coco, envoie-moi les judokas fissa !" devait-on échanger entre régie et plateau.
L'homme politique resterait dans l'arène annonça-t-on au cas où une dizaine de personnes auraient sacrifié des occupations plus enrichissantes pour s'installer devant leur petit écran (où leur énorme LCD acheté à crédit-revolving).
Las, une séquence enregistrée nous permettait d'assister à une entrevue pathétique entre un animateur "vachement plein d'humour" et un ancien Premier Ministre, pathétique, qui n'eut pour résultat, que d'amener une réflexion sur le fameux adage "on ne peut être et avoir été".
Au cours de cet énième intermède, Monsieur Rocard, en "parler vrai" (c'est sa marque de fabrique qu'il faut bien justifier) dézingua ses petits camarades de parti : Ségolène était incompétente et DSK un malade mental, pas moins !
Mais ça, coco, tu vois, c'est tout bon : en effet, le lendemain, les gazettes se gobergeaient des petites (longues) phrases du Monsieur, lequel fut compagnon d'ENA de J.Chirac et rivalise maintenant avec lui au niveau du gâtisme pathétique.
Ce serait donc cette sortie désolante que l'on retiendrait de ce "Grand Journal" hystérique d'où la moindre réflexion sérieuse, la moindre proposition, en période de crise où l'on apprend qu'un français sur sept vit sous le seuil de pauvreté, est bannie.
On ne pourra que plaindre ces femmes et hommes (il en est de tous bords, persisté-je à penser) désireux d'oeuvrer pour le bien commun, obligés pour faire entendre quelques miettes de "leur" vérité de participer à ce Barnum qui est une insulte à l'intelligence.
On a pourtant réussi à conclure de l'impopularité de l'actuel président qu'elle était due à des excès en matière de ce qu'on appela "bling bling" ou peopelisation de la politique.
On n'en est pas sorti, semble-t-il.
En 2012, il est à craindre que ce ne soit la meilleur ou le meilleur qui gagne : on est bien capable d'élire le plus "divertissant".
Certains médias (la majorité ?) feront tout pour ça.

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