Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

mardi 10 janvier 2012

V comme...

 Canaletto "photographia" Venise mieux que quiconque.

Venise exerce sur moi comme sur des millions d'humains à travers les siècles une fascination que j'ai bien du mal à expliquer à travers tous les billets que j'ai pu consacrer à la Sérénissime.
A me l'expliquer, je n'y parviendrai sans doute jamais, ou alors par bribes.
Ainsi, il m'apparait évident que l'un des aspects de cette fascination est que Venise est musique : je viens de commencer l'épais ouvrage (près de 800 pages !) que Sylvie Mamy, après des années de travail, a consacré en 2011 à Antonio Vivaldi.
En exergue, une citation extrait de l'ouvrage de Gilles Deleuze intitulé "Le fil" (1988) où ce dernier tente une explication de ce qu'est la musique baroque, qu'il conclut par ceci : 
"Le trait du Baroque, c'est le pli qui va à l'infini".
Venise est musique, et Vivaldi est son prophète : on ne peut penser à Venise sans penser à Vivaldi, et inversement.
Il fallut attendre la deuxième moitié du vingtième siècle pour que le "prêtre roux" soit enfin reconnu, après une longue période d'oubli : de jeunes étudiants passionnés découvrirent ça et là, en Italie, des manuscrits qui révélaient le génie de celui que Bach, lui-même "oublié" fort longtemps, admirait.
Pendant très longtemps, je me refusai à écouter les "Quatre saisons" : le vulgaire s'en était emparé, les utilisant en musique pour attente téléphonique, dans les ascenseurs, dans les aéroports et autres circonstances tout aussi triviales.
C'est là, pourtant, un chef-d’œuvre parmi d'autres dans la production du Maître vénitien.
Issu d'une famille pauvre, le jeune Antonio dut accéder à la prêtrise comme seule voie possible à l'élévation du niveau de vie dans une Venise où tant de lieux de cultes exigeaient une "main d’œuvre" pléthorique : il fallait recruter prêtres et chanoines pour célébrer offices et sacrements à tours de bras !
C'est donc cette "carrière" que le jeune Antonio, déjà violoniste d'exception, embrassa.
Ce n'est qu'après son ordination, à 25 ans (âge obligatoire), que le musicien commença à composer.
La République de Venise, après que la Sérénissime eût rayonné à travers le monde, était déjà sur son déclin.
Elle n'eut alors pour vocation que d'accueillir les "grands" de ce monde pour fêtes en tous genres : Venise restait cependant capitale des arts, musique en tête, et il fallait "fournir" : inspiré, génial (ici le mot trouve sa véritable signification), Vivaldi s'y employa sans difficultés, laissant à l'humanité une œuvre immense que je n'ai pas fini de découvrir : un interlocuteur avisé sur la question me citait, hier encore, des pièces dont je n'avais jamais entendu parler, accroissant mon avidité, ma soif de connaître...
Tout cela me ramènera toujours à Venise, où je suis allé plusieurs fois, mais que je ne peux prétendre connaître comme il se devrait : j'ai fort peu exploré, par exemple, le quartier (sestiere) du Castello, populaire, et ne suis jamais allé sur l'île de San Giorgio Maggiore qui, pourtant, impressionnante, nous attend à quelques brasses, de l'autre côté de la lagune quand on arrive de San Marco : je suis donc encore un peu "touriste" ; il faudra, la prochaine fois, que j'évite absolument les lieux que je connais déjà, et m'écarte des chemins balisés que j'ai déjà foulés.
Et, comme tant d'autres avant moi, j'essaierai, une fois de plus, de comprendre l'angoisse qui m'étreint chaque fois que je quitte la "ville" (peut-on employer ce terme ?) la plus étrange d'Europe : mais, comme le chantait Reggiani, "Venise n'est pas en Italie" ; j'ajouterai que Venise n'est pas en Europe, elle n'est nulle part, elle est Venise, elle est unique.

Giorgione

Le même Giorgione peignit aussi (ci-dessous) la réception du roi de France Henri III à Venise :






1 commentaire:

Tietie007 a dit…

Une visite plein de magnificence qui mobilisa une grande partie de la flotte vénitienne. Henri III apprécia la Sérénissime, notamment pour ses courtisanes de haut-vol, un peu comme l'ambassadeur de France, l'abbé de Bernis, un peu plus tard, compagnon de jeu de Casanova.