Le journal de Sylvian Coudène.
Humeurs, humours, musiques, cinéma, et autres libertés provisoires.
"La gravité est le plaisir des sots"
(Alexandre Vialatte)

samedi 30 juin 2012

Des choses de la vie

Que m'arrive-t-il ?
Je me surprends à faire des choses inimaginables jusqu'alors. Ainsi ai-je péniblement confectionné un protège-livre à l'aide d'un récent papier-cadeau pour ne pas salir le premier volume de la "Recherche", qui m'accompagnera au-delà des Alpes.
Le résultat est pitoyablement inesthétique. Ce n'est certes pas la papier utilisé qui le rend ainsi : c'est la manière barbare, qui n'appartient qu'à moi (?) de manier ciseaux et ruban adhésif.
Mais mon proust (Marcel, pas l'autre) est dorénavant à l'abri de tout sugo di pomodoro intempestif.
Et je suis content.

On nous clame que c'est la fin du Minitel, ou plutôt du service afférent.
Mais quid de l'horloge parlante ?
Je ne me souviens même plus des circonstances où j'eus à l'utiliser pour la dernière fois.
J'entends encore, néanmoins, dans le tréfonds de ma mémoire, la voix bien timbrée du speaker qui annonçait : "au quatrième top, il sera exactement -- heures".
C'est aussi lointain, pour moi, qu'un documentaire de première partie de séance au cinéma.

Cette Faye qui les fait défaillir
Tiens, pour parler de cinéma, projection au SylPalace, mardi soir, de "L'arrangement", film complètement dérangé d'Elia Kazan avec Faye Dunaway, Deborah Kerr et Kirk Douglas.
Si j'ai aimé ça un jour, je devais être bien alcoolisé !
Et les deux autres spectateurs, eux aussi, n'en pouvaient mais de ce salmigondis réservé sans doute à des élites cinéphiles de haut vol.
Certes, ces dames sont d'impressionnantes artistes -dont l'une, pour mes voisins de séance, un vrai "canon", en langage hétéro-bavant-, certes, M. Douglas est à peu près dix-sept mille fois plus doué que son fils, mais Kazan n'est jamais parvenu, à une scène près, à nous intéresser à son univers un tantinet abscons.
La prochaine fois, c'est "Le grand restaurant" avec De Funès -mon nanar préféré-, et puis c'est tout !

Moi qui déteste ça, je manifeste désormais une indulgence surprenante pour la boulangère qui pose la sempiternelle question : "et avec ceci ?".
Elle n'a pas la voix de Karin Viard, récitant le même texte dans le "Paris" de Cédric Klapisch.
Non, ma boulangère est jolie, blonde, et nantie d'une pointe d'accent "so british" qui la sublime. Il est vrai que l'échoppe ayant changé de mains, propose des produits de qualité qui excusent, à eux seuls, l'emploi de ce leitmotiv commercial.
Ayant eu à assurer récemment un service croissants-chouquettes quotidien, je me suis habitué à ce "hey avec ceci ?", au point que je déplore d'avoir à l'entendre moins souvent.
Ce sont les petites choses...

Bon, je case ici, parce que je m'y suis engagé, ma visite au Musée d'Orsay, en grinçant quelque peu.
C'est une vaste usine de l'art, qu'on a transformée pour y accueillir un maximum de monde et booster -comme le disent les mercantiles vendeurs de merveilles- la fréquentation.
A notre arrivée, piétine sous la pluie -qui fit de notre juin parisien un paradis sur terre- une foule grouillante de touristes assez bien disposés pour subir l'interminable progression de files d'attente qui s'allongent minute après minute. Moi, futé, j'ai réservé sur Internet, en garçon moderne accompli, pensant que mon billet imprimé à la maison à mes frais (commission de la Rnac en sus) serait un Sésame prompt à m'ouvrir prestement les portes de l'ancienne gare d'Orsay habilement transformée.
Que nenni : des huissiers aussi aimables que l'ouvreuse acariâtre du cinéma de mon enfance, m'indiquent la file de ceux qui pensaient, comme moi, détenir le coupe-file idéal.
Une fois entrés dans le saint des saints, on s'agglutine dans des salles où l'on tente de voir une œuvre dans son intégralité, se frayant un chemin au milieu de deux cents japonais  dépités de ne pouvoir utiliser leur prothèse (leur appareil-photo traduis-je).
Mon comparse disparait peu après, qui a compris qu'il fallait s'extraire de ce magma humain et s'élever vers des hauteurs plus spacieuses où je le retrouverai un peu plus tard, vaquant, vif et alerte, comme un châtelain en son domaine.
J'ai mon content de Monet, Manet, Renoir, Caillebotte et autres illustres et reconnais que la collection est impressionnante.
Le café "branché" est aussi soumis à file d'attente, grands dieux ! C'est dans l'autre, à l'étage inférieur, que nous faisons halte pour le goûter, sous des dorures qui rappellent le Café Louvre de Prague. Le personnel est prévenant, les tarifs abordables, et le chocolat chaud bien chocolaté.
En ce qui concerne le musée, si quelqu'un connait Aurélie Filipetti, je souhaiterais néanmoins une visite privée.

Les fameux "Raboteurs de parquet" de Gustave Caillebotte (1875)




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